Les Hommes, ainsi que les animaux, ont toujours eu et auront toujours peur. D’après le psychologue américain Paul Eckmann, l’être humain est gouverné par 6 émotions fondamentales : la joie, la colère, la tristesse, la surprise, le dégoût et la peur. La peur est essentielle à l’Homme pour une seule raison : sa survie.
Nos ancêtres primates, étant vulnérables et entourés de bêtes féroces, ont développé ce réflexe de peur, pour se protéger. Lorsqu’ils percevaient un signe de danger, un mécanisme biologique leur permettait de stimuler l’oxygène de leur cerveau afin de réagir plus vite. Les hommes ont ainsi développés, stimulés et maîtrisés ces signaux dits « combat-fuite ». La peur est alors devenue une constante de l’espèce humaine la menant vers sa survie.
Pourtant, la société actuelle semble relativement paisible, et les Hommes n’ont plus besoin de penser à leur survie quotidiennement (les bêtes féroces ne les menaçant pas de les dévorer tous les jours). Bien évidemment, la paix n’existe malheureusement pas partout et dans certaines régions du monde, la peur prend tout sens, les hommes assurant leur survie. Mais dans d’autres endroits du monde (comme la France), la sécurité d’un foyer, une bonne santé et une certaine stabilité financière, expulse de nos esprits la notion de survie primaire et vitale au quotidien. Les signaux combat-fuite touchent toujours les sociétés modernes (penser à l’approche des partiels par exemple), sauf qu’à présent, ces signaux n’apportent pas de solutions et stressent les Hommes. Cette peur est alors beaucoup moins liée à la survie. Elle est devenue un résidu des puissantes émotions que les individus ressentaient auparavant. Cet affaiblissement de la peur laisse place à d’autres émotions toutes aussi importantes, notamment l’angoisse, qui est à bien nuancer de la peur.
L’angoisse n’a pas forcément de stimulus identifiable (elle est tournée vers les dangers futurs) tandis que la peur est une réponse émotionnelle aux menaces perçues (elle est tournée vers les dangers présents). Elle peut surgir à tout moment, surtout lorsque l’individu ne fait rien en particulier (lorsqu’il cherche le sommeil dans son lit par exemple). L’individu isolé est alors tourné vers des questions beaucoup plus existentielles tel que le sens de sa vie. En effet, les sociétés modernes, notamment libérales, laissent plus de place à l’individu qui possède sa vie en main, et dont il ne tient qu’à lui de maîtriser. L’autonomie et la sécurité dont il dispose font qu’il doit trouver un sens à son existence. Livré à lui même, son objectif n’est plus de survivre, mais de bien vivre. Mais l’individu n’étant jamais entièrement satisfait de ses choix, il est angoissé. Lorsqu’il s’ennuie, lorsqu’il ne fait rien en particulier, il n’a pas l’impression de profiter de la vie, de bien vivre. Il ressent alors le besoin de s’occuper pour se persuader de bien vivre. Pour cela, il va avoir besoin de divertissements, de distractions, de loisirs. La société capitaliste actuelle l’a très bien compris. Pour distraire les individus, pour les empêcher d’être angoissé, les grosses entreprises manipulent l’économie de l’attention. En proposant des publicités à chaque coins de rue, les entreprises stimulent l’attention des individus, leur faisant oublier leurs soucis quotidiens. En gavant l’individu d’informations, celui ci n’est plus tourné vers ses préoccupations.
Mais, le plus souvent, l’individu se détourne lui même de son introspection. Il va s’évader en lisant un livre ou en regardant un film. Il va essayer de se détourner de sa propre vie en se mettant à la place d’autres individus, fictifs. Ceci est un premier oubli de soi. Dans d’autres cas, l’individu va même jusqu’à vouloir oublier sa propre existence au monde pour empêcher ses angoisses de l’atteindre. C’est le cas des personnes qui apprécient s’alcooliser jusqu’à n’être plus totalement eux mêmes. Ces individus se sentent vivre par l’oubli momentané de leur propre existence et de leurs soucis quotidiens.
Toutes ces distractions permettent de ne plus être livré à soi même. Pourtant, certains pratiquent la réflexion, l’introspection et la méditation. Certains individus ne cherchent plus à fuir leurs angoisses mais à les maîtriser. En étant en paix avec soi même, ils peuvent réussir à canaliser cette peur existentielle.
Mais que ce soit en la fuyant ou en l’affrontant, l’angoisse sera toujours là, tout comme la peur. Elles sont toutes deux vitales à l’être humain, car elles lui permettent d’avancer. En effet, si les individus étaient libérés de toute peur et de toute angoisse, ils pourraient très bien rester seuls chez eux et attendre que la vie passe. La peur nous pousse à survivre, l’angoisse à bien vivre, mais les deux nous permettent de continuer à vivre.
Baptiste Lemaitre