"Les Traducteurs"

Le film intitulé « Les Traducteurs »  a été réalisé par le français Régis Roinsard et il est sorti le 29 janvier dernier au cinéma. Ce thriller a été particulièrement remarqué par la presse (« Fort d’un scénario ambitieux et d’un casting inspiré, ce huis clos oppressant aux allures de Cluedo s’avère palpitant de bout en bout » pour Télé Loisirs par exemple) et c’est pourquoi j’ai personnellement décidé d’aller le voir, malgré le fait que la bande-annonce ne m’avait pas vraiment attiré. 

Le synopsis est assez surprenant car il paraît inédit, même s’il reprend en réalité les bases des thrillers américains. On rencontre au début du film un certain Eric Angström, éditeur qui a bâti son succès sur Dedalus, une trilogie de romans fantastiques écrits par Oscar Brach. Ces livres sont mondialement connus, ils ont rapporté plusieurs milliers d’euros et les lecteurs sont impatients d’avoir la suite de l’histoire. Alors que l’écriture du dernier opus est terminée, Angström a l’idée d’une sortie simultanée dans tous les pays. Mais pour cela, il faut d’abord procéder à une traduction dans toutes les langues sans que l’histoire ne puisse fuiter entre temps. Angström, d’un naturel un peu dictatorial, décide d’enfermer une équipe de neuf traducteurs dans un bunker au lieu tenu secret pendant deux mois. Ils seront alors coupés de tout monde extérieur sans téléphone portable ou Internet. Alors que les traductions avancent petit à petit, les dix premières pages du livre sont dévoilées sur Internet. Chaque traducteur devient dès lors un suspect potentiel et une chasse à l’Homme s’enclenche.   

Le réalisateur accouche ici d’un chef-d’œuvre. Régis Roinsard, huit ans après son dernier film ‘Populaire’, abandonne les court-métrages et les films d’amour pour se plonger dans un genre beaucoup plus technique qu’est le thriller. Il signe un vrai dédale cinématographique dont il sait tirer toutes les ficelles. Il a su réunir un nombre impressionnant de comédiens aux horizons et origines différents. Même s’il cherche constamment à surprendre le spectateur, il ne tombe jamais, selon moi, dans un jeu répétitif et improbable. Nul doute que Régis Roinsard, déjà victorieux d’un Trophée du Film Français en 2013, a ici trouvé le genre de film qui lui correspond et dans lequel il excelle véritablement.  

Je pense qu’il est important ici de distinguer la performance de quelques acteurs. En effet, Lambert Wilson évidemment mais aussi d’autres acteurs moins connus comme Alex Lawther et Olga Kurylenko sont particulièrement remarquables. 

Eric Angström, l’éditeur, est donc joué par Lambert Wilson. Ce qui est vraiment frappant dans son rôle est son autorité glaçante. Il ne fait preuve d’aucune pitié envers les traducteurs alors que la réussite du futur best-seller dépend en partie d’eux. A aucun moment, il ne flanche, il garde toujours des traits durs sur son visage. Il arrive à créer une tension entre humour noir et thriller, ce qui joue en grande partie à l’ambiance froide, angoissante et machiavélique du film. 

Quant à Alex Lawther, Alex Goodman dans le film, le traducteur anglais, il est pour moi une révélation. Il incarne à lui seul toute la mécanique du film. Derrière son apparent manque de maîtrise de l’éloquence et du jeu cinématographique, il arrive à surprendre en permanence en étant toujours plus inventif et ingénieux que les autres. 

Enfin, Olga Kurylenko joue la traductrice russe. Elle est inattendue et met terriblement mal à l’aise le spectateur, tant par sa gestuelle que par ses paroles. Tout au long du film, les autres traducteurs n’arrivent pas à la cerner, elle demeure mystérieuse.

Ce film a aussi le mérite d’aborder un thème peu commun : le rôle des traducteurs dans la littérature. Créant dès lors une tension presque hypocrite entre le cinéma et le livre, Régis Roinsard contribue à redonner un caractère sacré que le livre a sûrement perdu avec l’avènement des écrans dans nos vies. Alors que le métier de traduction est assez précaire, ils ne sont aujourd’hui que quelques milliers à la pratiquer en France, le film le met à l’honneur en montrant son importance capitale avant la diffusion d’un livre, ainsi que toutes les contraintes auxquelles il faut faire face. 

Je voulais aussi souligner le rôle important des miroirs dans beaucoup de scènes. Alors que le crime n’est pas ici physique mais littéraire, les miroirs placés en arrière-plan donnent constamment l’impression que les protagonistes sont épiés par une force extérieure. Cette architecture rend compte au spectateur de tous les faits et gestes des personnages. Et pourtant, la mécanique du dénouement est parfaite : chaque question est résolue, tous les problèmes s’emboîtent comme un puzzle.  

Pour conclure, je dirais que ‘Les Traducteurs’  redore l’image des films français souvent relégués au second plan après les Américains. Ce thriller palpitant et ingénieux a tout d’un ‘Mystic River’ de Clint Eastwood ou de ‘les Infiltrés’ de Martin Scorsese. 

Zoé Samin.

Publié par constancemilo

Etudiante à SciencesPo Rennes.

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