Une nouvelle association à Sciences Po ! Rencontre avec Adèle et Lolita, ses deux co-présidentes.

LPDLC : Pourriez-vous vous présenter rapidement ? En quelques phrases, qui êtes-vous ?
Animus : Nous sommes une association de sensibilisation à la cause animale, sous toutes ses dimensions ; c’est-à-dire que nous cherchons à sensibiliser et à faire évoluer les mentalités vis-à-vis de cette cause aussi bien sur le côté alimentaire qu’environnemental et éthique notamment.
Lors de notre présence au forum des associations en septembre, nous avons en effet pu constater un questionnement et un vif intérêt des étudiants pour cet engagement : une quarantaine de personnes intéressées se sont ainsi manifestées, avant même la création officielle de l’association ! Il s’agit effectivement d’une cause accessible et qui peut toucher beaucoup de gens, en cela que chacun peut se saisir de la question par l’angle qui lui convient, allant de la consommation et l’alimentation au militantisme engagé, en passant par l’éthique. Nous pensons que cet engagement, qui va toucher les individus dans leur vie quotidienne, est assez simple, en ce sens que nous le considérons comme étant progressif, amenant les gens à faire au mieux et selon leurs moyens pour changer et évoluer, sans les brusquer.
Par ailleurs, nous avons pu constater que les gens sont curieux et se posent des questions. Notre association a pour but de leur permettre de se construire leur propre avis et d’effectuer leur cheminement personnel par rapport à la question.
Nous sommes actuellement 9 membres dans le bureau. Si nous sommes autant de premières que de deuxième années, assurant ainsi la pérennité de notre récente association pour les années à venir, nous souhaitons néanmoins faire réagir sur le fait que nous ne sommes que des filles ! Cette absence de mixité de genre, si elle peut être avant tout associée à des effets de socialisation conduisant à un moindre intérêt des garçons pour la cause animale, ne nous amène qu’à une seule conclusion : les mentalités doivent changer !
Pourquoi ce choix de nom pour votre associat°, « Animus » ?
Il s’agit d’une expression d’origine latine. Cette notion a été reprise par de nombreux philosophes, sociologues et psychiatres (notamment Carl Gustav Jung). Etymologiquement, elle désigne la présence d’une conscience chez tout être vivant.
A travers ce choix nous avons donc voulu remettre en en question la vision anthropocentrique prévalant aujourd’hui dans nos sociétés, et souligner le fait que les animaux ne soient pas des objets soumis au service de l’homme, mais bien des êtres vivants dotés d’une conscience et doués de sensibilité.
D’où vous est venue l’idée de créer cette association ? Dans quelles mesures une association de défense pour la cause animale vous semble-t-elle nécessaire sur le campus de Sciences Po ?
La volonté de créer l’association part avant tout d’un intérêt personnel pour la question, dans un premier temps sans concrétisation réelle. Mais l’impulsion et la motivation nécessaires nous sont notamment venues lorsque nous avons découvert l’existence d’une telle association à l’IEP de Strasbourg.
Il s’agit d’un enjeu qui est appelé à de plus en plus se politiser, et dont on ne sait pas grand-chose de prime abord. L’enjeu de notre présence au sein du campus est donc de sensibiliser les étudiants et les jeunes générations à la cause et de les amener à se remettre en question. Nous souhaitons les amener à évoluer, à progresser, les encourager à faire au mieux à travers une adaptation progressive.
Quelles sont les raisons qui peuvent aujourd’hui pousser à s’intéresser et à s’engager pour la cause animale ?
S’il s’agit d’une question et d’un intérêt qui remontent à loin, on assiste aujourd’hui à une évolution des mœurs et des consciences par rapport à la cause animale, qui peuvent conduire l’intérêt et l’engagement pour cette cause à se développer dans de plus amples mesures. En premier lieu, on peut citer une plus grande médiatisation du sujet et un accès facilité à l’information, concernant par exemple les conditions d’élevage et de traitement des animaux ou encore les répercussions des différents types d’alimentation sur notre santé.
De plus, face au réchauffement climatique et aux excès de l’agriculture intensive, on peut constater un changement des mentalités : les gens sont de plus en plus conscients de l’urgence et de la nécessité d’agir. Les individus deviennent ainsi de plus volontaires et cherchent à modifier leur mode de vie de tous les jours, à travers de démarches personnelles, en revoyant leur mode de consommation ou en militant et en s’engageant politiquement par exemple.
Se revendiquer animaliste (1) et/ou vegan aujourd’hui, quand on pense par exemple aux dégradations et attaques dont sont victimes les bouchers-charcutiers et les agriculteurs, n’est-ce pas aujourd’hui encourir le risque d’être considéré comme étant trop radical, voire extrémiste ?
Cette image des animalistes et végans violents est celle aujourd’hui véhiculée par les médias. Elle est utilisée comme moyen pour décrédibiliser notre lutte, en montrant et en mettant en scène la toute petite minorité violente présente en notre sein. Il est en effet important de rappeler que notre engagement consiste également en la lutte contre la violence considérée comme « normale » ; c’est par exemple le principe même de l’antispécisme(2).
Il nous importe également d’amener les gens à se questionner sur le sujet, sans pour autant qu’ils ne se sentent agressés.
Enfin, si toute radicalité n’est pas forcément mauvaise, il faut noter qu’elle n’est pas forcément à lier avec cet engagement, que le véganisme n’implique forcément militantisme. Il existe en effet différents niveaux d’engagement, entre le végétarisme, le végétalisme, le véganisme, le militantisme… Chacun doit pouvoir y trouver son compte, sans avoir peur d’être stigmatisé
Le véganisme est-il vraiment le régime adapté pour avoir un mode de vie plus soutenable ? Est-ce vraiment compatible avec notre physionomie et nos besoins (risques de carence par exemple), surtout pour des personnes étant déjà fragiles et malades ? Par ailleurs, est-ce vraiment un régime plus respectueux de la planète et de l’environnement, en termes d’empreinte écologique ?
Tout cela dépend de la mentalité des gens, comment ils vont s’approprier la cause environnementale et animale : par exemple s’ils vont consommer des plats précuisinés surgelés et des fruits et légumes exotiques, ou s’ils vont au contraire chercher à valoriser le local de saison et cuisiner eux-mêmes leur plats. Il faut savoir que les régimes végétariens et végétaliens, contrairement aux idées reçues, ne sont pas plus chers qu’un régime carnivore ou omnivore ; au contraire, ils peuvent même amener à faire des économies dans le domaine alimentaire et nous conduire à manger plus sainement et équilibré, sans pour autant à avoir de carences. C’est pourquoi nous devons revoir notre conception de l’alimentation, le plus important étant d’avoir un régime équilibré et de trouver des alternatives pour compenser.
Cet engagement, qui passe nécessairement par un changement des modes de vie individuels (consommation et notamment alimentation), n’aurait-il pas plus d’impact s’il se retranscrivait également plus fortement dans un engagement politique ? Aux dernières élections européennes, le parti animaliste n’a fait qu’un score dérisoire et n’a pas pu entrer au Parlement, comparé au score exceptionnel des Verts…
La politisation de l’engagement dépend avant tout du ressenti personnel de la personne et de sa volonté. Néanmoins il s’agit d’un sujet qui est amené à se politiser de plus en plus fortement ; en plus des changements individuels, des changements plus globaux passant par législation et le politique sont nécessaires. Mêmes si des décisions sont certes prises au niveau politique, elles sont loin d’être suffisantes. Le sujet doit donc être effectivement nécessairement plus politisé pour pouvoir avoir un impact plus important.
Que conseilleriez-vous à une personne souhaitant effectuer une transition vers l’animalisme et le véganisme (notamment pour organiser ses repas, peut-être l’aider à surmonter le jugement de son entourage etc…) ?
En premier lieu, l’envie d’évoluer et de s’engager doit venir de la personne elle-même. Les raisons peuvent être multiples : chiffres, images choquantes… Chacun doit trouver l’angle de départ qui lui parle. De plus, il faut chercher à effectuer la transition à son rythme, selon ses moyens et en faisant de son mieux, sans vouloir se
fixer des objectifs trop ambitieux dès le départ. C’est comme en sport : on ne va pas chercher à courir un marathon dès le premier jour alors qu’on vient de se mettre à la course à pied ! Enfin, chacun a le droit de chercher et de ne pas avoir à se justifier auprès de son entourage, sans être brusqué.
Quels sont vos projets à court et moyen terme ? Comment envisagez-vous de vous développer ?
Nous envisageons d’organiser des ateliers cuisine en partenariat avec Révol’vert. Il s’agirait dans un premier temps de petits ateliers, que nous développerons peut-être par la suite en fonction du succès de cette première expérience, le but étant de découvrir des recettes mais également de partager des moments de convivialité.
Nous souhaitons également proposer des séances de projections-débats et organiser une conférence-débat avec des bénévoles de L214, dont le thème reste encore à définir. N’hésitez pas si vous avez des idées de proposition par ailleurs !
Enfin, nous souhaiterions également entrer en contact avec des étudiants de Caen, pour les convaincre et les motiver à développer l’association sur le campus, afin de créer un partenariat et lancer de nombreux projets !
Comment vous contacter et éventuellement s’engager et participer au développement de l’association ? Quels sont les moyens pour mieux vous connaître ?
Nous sommes actifs sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram (animus.rennes), où nous postons régulièrement des évènements d’actualité et des recettes, et sur notre page Facebook Annie Mousse pour les évènements et contacts. Nous sommes bien évidemment également disponibles dans le Cloître pour un contact en visus !
N’hésitez pas à nous contacter par Facebook pour être ajouté sur la conversation de l’organisation, ou si vous souhaitez envoyer vos propositions, idées et envies à l’association, notamment concernant le budget participatif par exemple !
Et surtout, nous restons disponibles pour répondre à vos questions !
- L’animalisme est le fait de défendre les droits des animaux dans une conception qui dépasse une considération strictement écologique. Il s’agit de défendre et de considérer les animaux en tant qu’individus à part entière.
- L’antispécisme s’oppose au spécisme, une idéologie qui justifie la subordination des animaux à l’homme en plaçant l’espèce humaine au-dessus de toutes les autres et accordant une considération morale plus grande à certaines espèces animales.
Interview menée par Ismaël Dalmas